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18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 10:20

Nouveau livre de W.H. Hudson, et nouvelle série d'extraits. Il s'agit cette fois d'une évocation de son enfance dans son Angleterre natale. Un texte sensible et pittoresque au sens noble du terme, qui donne à voir un temps, une époque, des lieux et une nature révolus. A lire au coin du feu !

 

Dans l'extrait ci-dessous, il raconte l'expérience primordiale qui lui fit prendre conscience qu'il y avait une autre manière de considérer la nature et les animaux que comme un terrain de jeu où tuer est la seule finalité qui peut nous mettre en relation avec eux. J'ai repensé à mon expérience africaine et à l'absence totale de merci pour tout serpent rencontré. Tuer n'y est même pas une question, c'est un devoir...

Une fois que j'eus assez de force et de courage, je commençai naturellement à prendre une part active dans la persécution des serpents, car n'étais-je pas aussi de la graine d'Eve ? Je ne peux pas dire à quel moment mon sentiment envers notre lamentable ennemi se mit à changer, mais un incident dont je fus témoin à cette époque - j'avais environ huit ans - eut, je crois, une grande influence sur moi. Il me fit réfléchir en tout cas sur un sujet qui jusque là ne m'avait pas semblé valoir la peine d'une pensée. 

Il vaut mieux épargner que tuer
J'étais dans le verger, suivant unn groupe de grandes personnes, lorsque, soudain, celles qui marchaient devant poussèrent des cris et avec des gestes de terreur battirent promptement en retraite ; elles avaient aperçu un serpent dans le sentier et presque marché dessus. Un des hommes, le premier à trouver un bâton, ou peut-être le plus courageux, se précipita et, au moment où il s'apprêtait à asséner un coup mortel sur le reptile, une des dames lui saisit le bras et arrêta son geste. Puis, se baissant vivement, elle prit l'animal entre ses mains et, s'éloignant de quelques pas, le lâcha dans l'herbe longue et verte, verte comme les écailles étincelantes et aussi fraîche au toucher.
 
Malgré le nombre des années écoulées, l'incident m'est aussi présent à l'esprit que s'il avait eu lieu hier. Je vois cette femme revenant vers nous parmi les arbres du verger, toute joyeuse d'avoir sauvé le serpent d'une mort certaine, et son retour accueilli par de bruyantes expressions d'horreur et de stupéfaction auxquelles  elle ne répondit que par un petit rire et la question : "Pourquoi le tuer ?"
 
Qu'est-ce donc qui la rendait si contente, si innocemment contente, me sembla-t-il, comme si elle avait accompli un acte méritoire et non répréhensible? Mon jeune esprit restait troublé par cette énigme qui demeura sans réponse. Quoi qu'il en soit, je crois que cet incident porta ses fruits et m'appris à considérer qu'il vaut sans doute mieux épargner que tuer, que c'est plus salutaire non seulement à l'animal épargné mais aussi à notre âme.
W.H. Hudson, Au loin, jadis..., éditions La Table Ronde, 2015, pp. 236-237
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