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Aimant la nature, la randonnée la philosophie et les récits de voyages, je vous livre ici des extraits, parfois commentés, de livres que j'ai aimés, en rapport, et si possible à l'intersection, de ces différents sujets.

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Chaîne d'hospitalité

Ce pourrait presqu'être un conte de Noël !
Il pleut, il pleut sur la campagne du Schleswig-Holstein en ce matin de juillet. J'ai quitté la grange éventée où je me suis abrité pour la nuit et marche à travers champs, plongé dans mes pensées et emmitouflés dans ma cape de pluie. Pour me donner du courage, pourquoi ne pas chanter ? La campagne allemande résonne des airs que, juste démobilisé, j'ai appris à l'Infanterie de marine. Au large d'une ferme, j'entonne "La Madelon" qui, sous les fenêtres closes à cette heure, rivalise avec le bruit de la pluie drue. Et voilà qu'au bout d'un chemin de terre une dizaine de minutes plus tard, un homme me rejoint à vélo et me tend un sac de sandwichs, en ajoutant la voix encore enchifrenée : "je t'ai entendu chanter et je me suis dit qu'un compatriote, égaré dans ce coin perdu par un temps pareil, devait avoir besoin d'un casse-croûte." Et Yves R. de m'inviter à m'abriter dans la maison de ses hôtes pourtant endeuillés. Maison où Jutta von K., digne aristocrate, me donne l'adresse d'une de ses amies polonaises, à Gdansk où, en dépit de l'annonce précoce de mon arrivée, je ne parviendrai qu'après avoir traversé la péninsule Fennoscandinave à pied et à skis l'hiver durant. Gdansk où mon hôtesse de fortune me transmet le nom d'un de ses amis à Torun, l'antique cité de Copernic, où, en tant qu'avocat, il plaide dans le procès du père Popiulesko qui agite alors son pays. Torun où l'on me confie une adresse à Zakopane, dans les Tatras. Tatras où je croise des étudiants qui m'accueilleront une semaine durant à Budapest. Budapes où m'est remis le secret d'un toit accueillant en Grèce. Et c'est ainsi que se déploya une chaîne d'hospitalité parce qu'un matin de juillet, j'avais chanté sous la pluie dans la campagne allemande... C'est cela le voyage à pied : l'imprévu, l'inattendu et, dans l'état de fragilité et de dépendance où il place quiconque s'y livre sans retenue, l'incroyable enchaînement des causes et des hasards, et la profusion des rencontres qui leur sont liées.
Emeric Fisset, L'ivresse de la marche, Transboréal, 2008, p. 34-36.

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D
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