Deuxième extrait du livre de Dorothy Wordsworth, Voyage en Écoss. Où l'on peut admirer toute la différence avec le style contemporain et la difficulté de décrire un paysage de manière vivante et romantique en phrases longues...
Les collines étaient un peu en retrait du lac, laissant quelques champs plats dans l'intervalle, où se trouvait un cottage niché dans les arbres : la baie était défendue par des rochers à chaque extrémité, et les collines derrière formaient un abri pour le cottage, la seule demeure, je crois, à part une, de ce côté-ci du Loch Ketterine. Nous tombâmes ensuite sur des abrupts qui s'élevaient directement du lac, et passâmes devant un endroit dont le nom en gaélique signifie l'Antre des Fantômes ; c'est un rocher, ou une masse de rochers, avec, sur le côté, une coulée de grosses pierres noires ressemblant au lit nu ou asséché d'un torrent ; des bouleaux s'élancent du rocher en toutes directions, et couvrent la colline au-dessus de lui, au-delà de ce que nous pouvions voir. L'eau du lac en contrebas était profonde, noire et tranquille. Notre délice ne cessa d'augmenter à mesure que nous avancions, jusqu'à ce que nous ayons aperçu l'extrémité du lac, voyant l'endroit par où la rivière s'en écoule, à travers une brèche étroite entre les collines.
Ici, je devrais me reposer, comme nous nous reposâmes, et tenter d'exprimer notre plaisir : mais, en vérité, je ne peux transmettre qu'une petite partie de ce que nous avons ressenti. Nous étions toujours du même côté de l'étendue d'eau,et, étant directement sous la colline, à l'intérieur d'une échancrure considérable du rivage, nous étions de toutes parts entourés de collines, comme si nous avions été sur un lac plus petit que l'on pouvait voir entièrement. C'était une totale solitude ; et tout ce que nous contemplions était la perfection de la grâce et de la beauté ; nous avions traversé de nombreux endroits solitaires depuis notre arrivée en Écosse, mais cet endroit différait de tous ceux que nous avions vus auparavant, autant que s'il n'y avait rien eu en commun entre eux ; nulle idée de monotonie ou de désolation ne pénétrait ici ; et pourtant, il n'y avait rien d'autre à voir que de l'eau,des arbres, des rochers et de la bruyère, et, au-dessus, des montagnes pelées.
Dorothy et William Wordsworth, Voyage en Écosse, Éditions ENS, 2002, pp. 106-107.