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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 18:29
Deuxième extrait de "Pèlerin d'Occident". Un soir en montagne et l'incertitude sur le gîte et le coucher... Encore une sensation bien connue de tout randonneur un tant soit peu improvisateur.

     Pourvu que la chapelle ne soit pas en ruine ! Pourvu qu'elle soit ouverte ! Les versants couverts d'une herbe rase ondulent comme les plis d'un rideau poussé par le vent. Vais-je l'apercevoir au prochain pli ? Celui-ci ? Non, encore un effort... Ah, enfin ! Ce doit être elle : petite maison blanche posée sagement en contrebas d'un col et couverte d'un toit de lauzes couleur lichen. Tout paraît en ordre. Je sens mon visage se détendre et peu importe s'il n'y a personne pour voir le sourire qui se dessine sur mes lèvres et que je retiens encore pendant les dernières centaines de mètres. Un ultime détour pour enjamber le ruisseau. Près de l'entrée, une corde pend au bout de la cloche. Sur la porte, un loquet rouillé. Pas de cadenas ! Quatre ou cinq mouvements grinçants, le loquet bat en retraite et je pousse le battant de bois : j'ai rarement été aussi heureux d'entrer dans une chapelle glacée !
     San Giacomo. Ah ! comme je l'aime cette chapelle ! La simplicité de son intérieur blanchi à la chaux, les murs cabossés qui soutiennent la voûte en berceau, le crucifix de fer cloué au fond de l'abside, que des passants attentionnés ont piqué d'un bouquet d'asters pas encore fanées, l'angelot de plâtre qui le surplombe et l'autel réduit à une lauze, les dalles inégales et humides qui me serviront de couche. Pas plus de 10 mètres de long sur 3 de large. En guise de fenêtres, de simples ouvertures protégées par des barreaux en croisillons à travers lesquels le vent s'engouffre en sifflant. Après avoir cherché en vain  un angle où ne se faufile pas un air coulis, je sors pour profiter des dernières lueurs du jour. Ouvrir une boite de sardines, dévorer deux tomates et la moitié d'un pain bourré de graines délicieuses. (...)

     La nuit est tombée sur la solitude de San Giacomo. Engoncé dans quatre couche successives de vêtements, bandeau de laine polaire sur les oreilles, je me glisse à tâtons dans le duvet humide. Dehors, les roulements de tonnerre rebondissent sur les versants et le vent dévale en furie des pics enneigés. Le paradis, ce n'est pas un jardin tropical et fleuri, c'est un havre au coeur de la tempête. Avant de rentrer, j'ai secoué la corde de la cloche pour remercier les anges de m'avoir entrouvert leur royaume.
François-Xavier de Villemagne, Pèlerin d'Occident, Transboréal, 2009, pp. 84-85 et 87.
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